Les vagabondes

Reiner R. Schmidt
Ratisbonne, le 14.4.2016

„Nous sommes heureux d’accueillir ici Nicole Morello, qui, ces derniers jours, avec sa petite bande d’amis et sa famille, a carrément envahi le lieu pour y installer ses œuvres. Après avoir vu ce qu’elle avait apporté, je m’étais fait une petite idée de la manière dont elle allait organiser l’espace.

Quelle ne fut pas ma surprise en arrivant ici hier : rien à voir avec tout ce que j’avais pu imaginer. Fascinant. Voici quelques mots sur l’artiste et son travail.

Nicole a fait ses études en France, à Paris et s’est ensuite consacrée presqu’exclusivement aux livres d’artistes, non pas à l’illustration de livres, mais à leur complète conception et fabrication. Elle présente ici un éventail de propositions toutes très différentes les unes des autres, l’exemple le plus spectaculaire étant le livre qui figure sur l’affiche et le carton d’invitation et dont la photo donne l’impression de pénétrer dans une jungle.

Les vagabondes. ?. N’y connaissant pas grand-chose en sciences naturelles, j’ai dû me faire expliquer que les vagabondes étaient ces plantes qui poussent un peu n’importe où, là où on s’y attend le moins - l’artiste a d’ailleurs immédiatement constaté qu’il y en avait là au beau milieu du parking. Cela lui aura peut-être d’ailleurs inspiré le thème de l’exposition.

Certains livres ici présentés sont une succession de pages découpées. On imagine donc des formes restantes que d’autres artistes auraient peut-être jetées. Nicole ne jette rien et ces formes lui servent systématiquement de pochoirs pour appliquer ses couleurs sur de grandes feuilles translucides. C’est une deuxième étape.

Ces pochoirs dont les pourtours sont encore chargés de couleurs humides deviennent alors des tampons que l’artiste applique sur de nouvelles feuilles. Les empreintes deviennent de plus en plus ténues, il en résulte des œuvres d’une grande délicatesse. C’est une nouvelle étape dans cette chaine de production où chaque objet existe en soi mais dépend intimement des autres.

L’installation au fond de la deuxième salle est composée de très belles feuilles très vertes, qui sont elles aussi le résultat d’une réutilisation de feuilles ayant servi de sous-main ou protège-table lors de la fabrication d’une série de livres à systèmes.

Je voudrais encore signaler les dessins à l’encre de chine qui révèlent un autre aspect du travail de l’artiste, qui nous a raconté qu’elle avait accroché ces feuilles à l’extérieur sur une place à Dusseldorf. Un mois durant, elle les a remplacées jour après jour ; les passants n’ont rien abîmé, sans doute, dit l’artiste, parce qu’ils n’ont rien remarqué. Ce sont des œuvres en effet très discrètes.

Nicole ne se contente pas de fabriquer des livres, elle en lit aussi et l’œuvre de Marcel Proust, A la Recherche du temps perdu, est au cœur de sa création artistique, de sa vie même et de façon plus imminente au cœur de la performance qui nous attend.

Je vous souhaite à vous toutes et tous ici présents une bonne soirée en compagnie de l’artiste et de ses œuvres.