Introduction au travail de Nicole Morello
par Brigitte Splettstößer
Galerie Splettstößer, Kaarst le 29.01.2017
NM est née à Neuilly-sur-Seine, une banlieue à l’ouest de Paris. Elle a étudié l’art et les langues à Paris. Une fois diplômée de l’Institut Supérieure d’Interprétariat et de traduction pour les langues allemand et anglais, elle est venue s’installer à Dusseldorf et a très vite intégré la vie artistique, alors trépidante, de cette ville. Le jour, elle travaillait comme assistante trilingue et passait ses soirées avec les artistes. A cette époque elle réalisait déjà des livres peints et découpés, mais en marge, en secret, des livres qu’elle pouvait vite fermer pour les dérober aux regards indiscrets.
Les livres l’ont toujours fascinée, non à cause de leur contenu, mais plutôt à cause de leur potentialité, de leur matérialité : volume, couleur, présentation, de leur mobilité, puisqu’ils s’ouvrent, se feuillettent, se ferment, à cause de la promesse qu’ils portent en eux.
Dans les années 80, NM s’est entièrement consacrée aux livres-objets, livres d’artistes et a rapidement obtenu un certain succès à Paris et à New York où elle était représentée par Tony Zwicker, grande spécialiste du livre d’artistes, disparue en 2000.
Ses premiers livres étaient inspirés par les livres à systèmes du 18 et 19ème siècles; les thèmes retenus alors étaient tirés de la flore et de la faune. En ouvrant un de ces livres, le spectateur se trouve comme plongé dans un décor de théâtre, au milieu d’une jungle ou d’une colonie de pingouins.
Vous pourrez voir quelques-unes de ces réalisations dans la vitrine de la librairie am Maubishof, tout près de la galerie. Vous y trouverez non seulement ces livres fantastiques mais aussi quelques créations plus abstraites.
En 2004, l’artiste abandonne son cutter et commence à s’intéresser aux chutes de papier et de carton des livres à systèmes, qu’elle avait pendant des années ramassées et conservées dans des boîtes. Ces « résidus » deviendront les outils et la matière d’une nouvelle phase créatrice.
Un bon exemple sont les « boîtes à papillons », dans lesquelles de petites chutes de carton sont piquées sur une plaque de carton-plume en un arrangement rappelant les boîtes d’entomologistes. Certaines renferment des éléments phosphorescents transformant, la nuit, la boîte en un ciel étoilé.
Pour ses grandes œuvres murales, l’artiste utilise les chutes comme pochoirs. Les morceaux de carton sont posés maintes fois sur une feuille de papier translucide et contournés avec de la gouache. Il en résulte une juxtaposition, un entrelacs de formes et de couleurs couvrant de grandes feuilles ensuite suspendues au mur ou au plafond par de simples pinces à dessin. La superposition de plusieurs feuilles donne une impression de profondeur et de mouvement.
Les pochoirs sont aussi utilisés comme tampons lorsque leurs contours sont encore humectés de gouache. Appliqués sur de nouvelles feuilles translucides, les tampons y laissent quelques traces de couleurs de plus en plus ténues, formant des structures linéaires entrelacées, aux traits plus ou moins épais. Les feuilles ainsi réalisées sont soit regroupées en cahiers, soit accrochées verticalement dans l’espace. Les grands formats frissonnent au moindre souffle d’air, donnant une impression d’éphémère légèreté.
La réalisation de ces grandes feuilles demande beaucoup de temps ; le même geste maintes fois répété lui confère un caractère méditatif, où interviennent à la fois contrôle et hasard. L’artiste travaille en effet par pans de feuilles roulées et déroulées au fur et à mesure et ne voit l’ensemble qu’une fois le travail terminé. Certaines feuilles sont jugées satisfaisantes, les autres seront découpées et serviront-comment pourrait-il en être autrement- à la fabrication de livres et cahiers de taille plus réduite.
Les feuilles ayant servi de sous-main ou de protège-table présentent souvent -même si c’est pur hasard- des motifs abstraits dignes d’intérêt. Elles vont être plus ou moins retravaillées et exposées. Le hasard n’attend que notre regard.
En feuilletant ses livres, Nicole s’est peu à peu intéressée aux qualités acoustiques des différents papiers utilisés et aux mouvements engendrés par le feuilletage. Depuis quelques temps, elle met littéralement ses livres en scène et en mouvement au sein de performances comme celle conçue pour la galerie et intitulée « 1001 feuilles ».